10.03.2009
Mars 1995 : Platine
Propos recueillis par J.-P.P le 20 décembre 1994 et publiés par Platine en mars 1995.
Il a tout fait pour être catalogué dans la variété. Pourtant son image est celle d’un chanteur de qualité. Depuis 20 ans, il fait partie des gros vendeurs de disques certifiés, et nous est revenu avec un nouvel album fin 1994 et un palais des congrès début 1995. Avec lui, nous nous sommes promenés des « Ballons rouges » aux « Saumons » rosés. Une vie en camaïeu. Il sera en tournée cette année à travers la France.
Que pensez-vous de l'accueil que les médias font à votre retour ?
Je ne prétends pas qu'un retour à la chanson, après tant d'années sans enregistrer, est chose facile. Mais c'est évident qu'une rentrée tous les deux ans est moins événementielle qu'une rentrée après dix ans. C'est vrai que j'ai eu un accueil enthousiaste des médias, j'ai fait une grande émission de TV avec Patrick Sébastien, "D'homme à homme", et toutes les – trop rares - émissions de variétés m'ont reçu. Si les émissions de variétés vont mal, c'est aussi parce que les chanteurs ont eu pendant des années trop de soucis d'image. Ils ne voulaient pas faire telle ou telle émission, parce que l'animateur avait tel ou tel public. C'est ridicule. Les chanteurs doivent se contenter de chanter et l'image qui en découlera viendra naturellement. De toute façon, avec le théâtre et mon dernier téléfilm, je n'avais jamais disparu complètement de l’espace médiatique. J’existe et donc les journalistes s’intéressent à moi. Ce qui est plus étonnant, c’est que le public qui aimait Lama chanteur soit toujours là dix ans après. Les artistes aujourd'hui ont plus de difficultés à fidéliser un public.
Vous n'avez rien enregistré depuis des années ?
Si, un album où j'avais ré-enregistré des anciennes chansons, c'est tout. C'est pour ça que ce nouvel album est très riche : il y a là six ou sept chansons qui marqueront ma carrière : "Je te partage", qui a reçu un bon accueil des radios, et d'autres, comme "Les saumons", "Neige", "Je suis un homme", "J'irai vers l'or". Je ne me fais pas de souci pour cet album. En plus, il marque mes débuts dans une nouvelle maison de disques, Warner, où j'ai trouvé une équipe formidable autour de mon nouveau producteur Bernard St-Paul. Je ne le connaissais pas il y a encore cinq mois et je suis en complète harmonie avec lui. Il m'a apporté un sang neuf et toute son équipe est derrière lui à se battre pour notre album.
Vous allez ré-enregistrer chez eux vos anciennes chansons ?
Quand le tour de chant sera au point, on fera un live, et, peut-être, plus tard, un album studio des anciennes chansons.
Vous collaborez avec EMI ou Phonogram quand ces maisons de disques rééditent vos anciennes chansons ?
On vous prévient par politesse, mais vous n'avez aucun droit de refuser : l'artiste est un vrai esclave. Si je pouvais donner mon avis, je ressortirai mes chansons dans l'ordre de leur enregistrement, car chaque époque a un son, un univers, et mon oreille est gênée quand on "compile" dans n'importe quel sens. J'aimerais avoir mon intégrale chronologique des années Phonogram, qui sont les plus importantes. En ce qui concerne mes débuts chez Pathé, il n’y a que deux albums, donc la chronologie est à peu près respectée. Même s'il n'y a que vingt mille personnes qui souhaitent mon intégrale dans l’ordre chronologique, il est normal qu’elle soit faite comme ça.
Vous n’avez pas chanté sur scène depuis dix ans ?
Les derniers galas, j’ai dû les faire en 1988. Je viens de reprendre quelques dates en province afin de roder le Palais des Congrès de janvier. J'ai mûri pendant ces années sans chansons. Et je sais que le spectacle qui commence le 7 janvier au Palais des Congrès est nourri de ces expériences là. Sur le programme de mon spectacle, j’ai fait mettre une devise d’Alfred de Vigny, que j’aimais beaucoup quand j’étais petit : « Aimer ce que jamais on ne verra deux fois ».
Y a-t-il des chansons que vous ne chantez pas en 1995, car vous ne les assumez plus ?
Non. Sur scène, si je ne chante pas « L’enfant d’un autre », c’est parce que je reprends : "L'enfant au piano". Je ne voulais pas mettre deux chansons sur les enfants. Ce spectacle, ce sont les chansons, mais aussi un éclairage superbe et des musiciens nouveaux qui ont dépoussiéré mes anciens titres sans les trahir. Je chanterai au total une trentaine de titres. Il y a tellement de vieux succès, que le public attend, que je ne pourrai pas chanter l'intégralité de mon nouvel album, seulement cinq chansons. J'en rajouterai ensuite en tournée une nouvelle de temps en temps, pour finir à huit ou neuf nouveaux titres dans le récital en fin d'année.
Vous chantez vos anciennes chansons plus parce que les gens les attendent ou parce qu'elles vous touchent ? Quand on évoque le passé, Renée Lebas, Francis Lemarque vous semblez ne pas avoir d'émotion ?
Ce n'est pas vrai, je travaille toujours avec les mêmes depuis plus de vingt ans : Yves Gilbert, Alice Dona ont signé avec moi mon dernier album. Je suis très attaché à ce passé et il y a de quoi ! On ne peut pas se lasser de chanter "Je suis malade". J'adore "D'aventures en aventures", "L'esclave" : c'est un plaisir pour moi de les rechanter. Même "L'Algérie" dont je n'aimais pas l'arrangement, a été refaite, et je l'apprécie enfin à sa juste valeur. Je chante aussi "A quelle heure" qui n'a jamais été un tube, mais que j'aime profondément. J'ai choisi également "Bungalow 73" que je n'ai jamais chantée sur scène.
N'y a-t-il pas un risque que les anciennes chansons étouffent un peu les nouvelles ?
Je dois dire que la force des nouvelles chansons va leur permettre de prendre facilement leur place. Je commence le tour avec "Mon enfance m'appelle", une ancienne, et je finirai dans quelques semaines par "Les saumons" qui traite de la vieillesse. Ainsi la boucle sera bouclée.
Vos débuts au music-hall ont eu lieu à Bobino en lever de rideau de Brassens, Barbara et Michèle Arnaud, le 20 octobre 1964 ?
Non, Michèle Arnaud n'y était pas. En revanche, il y avait Boby Lapointe et Brigitte Fontaine. Et les vedettes étaient Brassens et Barbara.
On vous retrouve ensuite en américaine de Nana Mouskouri à l'Olympia en octobre 1967. On vient vous applaudir après votre accident comme un miraculé de Lourdes ?
Cet Olympia fut une catastrophe, car je sortais à peine de mon accident. Je boitais, je voulais prouver que j'avais de la voix et donc j'hurlais. J'étais grotesque. J'ai loupé carrément cet Olympia. Coquatrix avait voulu m'engager très vite, car j'étais devenu une légende, un miraculé. Comme j'avais aussi envie de remonter sur scène, dont j'avais été privé depuis plus de deux ans, j'ai commis l'erreur de dire oui. Je n'avais pas de tubes, sauf "Les ballons rouges", et j'étais trop frais. J'aurais dû passer par le transitoire d'un cabaret, de galas en province. J'ai fait cette erreur et la presse de l'époque avait écrit que j'étais foutu, que j'étais fini. Ce qui n'avait rien pour me remonter le moral.
Heureusement, grâce à Enrico Macias, qui m'a pris dans deux tournées successives avec lui, je me suis refait une santé. Son frère était mort au volant de la voiture qui m'avait immobilisé pendant tous ces mois.
Vous étiez chez Pathé comme Enrico Macias et aussi comme Georges Chelon. Avec ce dernier, vous vous produisez à Bobino en 1968 ?
J'ai refait Bobino en 1968, mais là, j'étais prêt. Je venais de créer "D'aventures...", "Le 15 juillet à cinq heures", et, modestement, j'ai cassé la baraque. La salle n'était pas tous les soirs pleine, mais les gens étaient contents, et tout le métier a dit : "Ah ! il se passe quelque chose." A la suite de ça, Félix Vitry, directeur du Bobino de l'époque, a voulu que je sois en co-vedette avec Jacqueline Dulac en 1970. Cette fois-ci, j'étais parfaitement préparé mais, malheureusement, le public n'est pas venu.
En fait, j'ai ramé jusqu'à "Je suis malade". Ça n'a explosé qu'en 1972. J'ai fait l'Olympia en mars 1973, puis à nouveau en février 1974. C'était fou, tout me réussissait. Jusqu'en 1982, je n'ai pas touché terre.
Vous n'avez pas cédé à la mode disco vers 1977. Vous êtes resté toujours fidèle à Gilbert et Dona?
Oui, à quelques exceptions près. J'ai travaillé avec un Grec, Stéfanidis, pour "Souvenirs attention danger". J'ai écrit avec lui trois chansons, mais c'est tout. Alice et Yves savent écrire les musiques qui me correspondent et c'est pour ça que je n'ai jamais été trop "ailleurs". Si les compositeurs ont été les mêmes, les arrangeurs ont varié : j'ai eu Jean-Claude Petit, Roger Loubet, et aujourd'hui mon arrangeur est Hervé Leduc. Mes arrangements ont suivi l'évolution de la chanson, y compris sur scène, mais je ne cède pas aux modes quand elles ne me correspondent pas : vous me voyez faire du rock ou du rap ? MC Solaar se moquerait de moi et il aurait raison.
Dans les années 70, vous aviez tous les ingrédients pour être catalogué "variétoche" et pourtant vous vous en sortez avec une image "bonne chanson française" ?
Pour aller plus loin dans votre raisonnement, je me souviens dans les années 70, avoir fait Guy Lux en septembre et "Le grand échiquier" de Jacques Chancel en novembre. J'étais le seul à être invité par les deux. Avec moi, ils parvenaient chacun à satisfaire leur public L'émission que j'ai faite avec Sébastien, il y a quelques semaines, prouve aussi ce côté intermédiaire, alternatif. "On vous distrait, mais pas idiot" : tel était le but.
Vous n'êtes pas resté longtemps fidèle à l'Olympia, puisque dès que le Palais des Congrès est ouvert en 1974, vous vous y intéressez. L'Olympia n'était pas une salle pour vous ?
Il s'est trouvé que mon imprésario, Eddie Marouani, et mon producteur de scène, Roland Hubert, voulaient faire bouger le métier et cherchaient des salles nouvelles. Tous les artistes étaient confinés entre l'Olympia et Bobino, et ils m’ont convaincu d’aller au Palais des Congrés. Ca n’a pas été facile, car j’ai eu tous les journalistes à dos, c’était un « lèse-music-hall » que d’abandonner l’olympia. Pourtant tout le monde a fait comme moi : Maxime Le Forestier, Michel Sardou... Le seul, qui s'était risqué hors de l'Olympia avant moi, c'était Johnny. Il était allé au Palais des Sports. Après, dans les années 80, il y a eu le Zénith, Bercy et aujourd'hui, les artistes se promènent de salle en salle. A l'époque, il ne fallait pas s'aventurer hors de l'Olympia. J'ai fait quatre fois le Palais des Congres : en 1974, 1977, 1979 et en 1981. La dernière fois, j'y suis resté trois mois et on a attiré 320 000 personnes. Le Palais et l'Olympia sont deux salles auxquelles je serai toujours fidèle. L'Olympia, parce que c'était mon rêve d'enfant, le Palais des Congrès parce que je suis le premier à y avoir cru. Si je fais en 1995 le Palais et non pas l'Olympia, c'est parce que Sardou l'occupe et qu'il devait être détruit à la suite. Quand j'ai signé le Palais, on ne savait pas que les travaux de l'Olympia seraient retardés. Il y a une troisième salle que j'aimerais faire, c'est le Châtelet, mais le cahier des charges est très précis. Pour moi, cette salle, c'est mon enfance. C'est là que j'ai vu passer Mariano et puis beaucoup de vedettes de l'Opérette.
C'est la salle que votre père, chanteur d'opérette, aurait rêvé de faire ? La boucle serait bouclée ?
Si on veut...
Qu'avez-vous fait dans les années 80 ?
Je me suis reposé de la chanson et j'ai fait autre chose. J'avais tellement chanté dans les années 70 que j'étais à bout de quelque chose, je ne pouvais pas aller au-delà de ce que j'étais devenu. Chanter avec les pieds au mur, ce n'était pas pour moi. Et puis, on ne fait pas que vieillir dans la vie, on s'enrichit d'expériences nouvelles, voilà pourquoi j'ai décidé de changer de voie. Entre 1962 et 1972, avant d'être une "vedette", je faisais du cabaret et des petits galas. Entre 1972 et 1982, devenu connu, je faisais une moyenne de 260 à 270 galas par an et de nombreuses salles parisiennes. En 1982, j'ai fait un double album sur "Napoléon" qui a marché très fort, malgré le thème difficile. J'en ai vendu presque 300 000. C'est là que j'ai eu l'idée de faire "Napoléon" sur scène, une comédie musicale à moitié chantée, à moitié jouée. Malgré le succès du disque et mes moyennes de ventes à 500 000 exemplaires par album - "Souvenirs, attention danger" avait fait 700 ou 800 000 - trouver une salle ne fut pas chose facile. J'ai pris des risques énormes, alors que j'aurais pu, comme mes copains, faire mon petit album tous les deux ans et rester au chaud. Je n'ai pas entretenu ma clientèle, celle-ci pouvait aller "voir ailleurs". Aznavour m'a d'ailleurs mis en garde en me qualifiant de "casse-cou". Napoléon a marché sur scène pendant de longs mois et, comme je jouais avec des comédiens de théâtre, j'ai été piqué au jeu. A la suite, j'ai joué d'autres pièces comme "La facture" où j'étais un joyeux rigolard, "Guitry", "Toa", et "Garde à vue" que j'ai jouée pendant un an. Mais j'aurais préféré refaire une comédie musicale, c'est tellement enrichissant et varié. Dans un an et demi, j'espère avoir un bon projet de ce type, car, contrairement à ce qu'on dit, la comédie musicale, ça marche.
Regardez "Starmania", mais aussi "Cabaret" que Jérôme Savary a montée à Mogador. La seule chose qui est vraie, c'est qu'une comédie musicale, c'est très cher, alors quand ça ne marche pas, ça se sait, alors qu'une pièce qui ne marche pas, il y en a tous les jours, et les médias n'en parlent pas.
Vous êtes devenu un acteur à part entière, votre série TV a été un grand succès.
Les gens ont mis du temps à admettre que j'étais aussi comédien. En France, on n'aime pas les carrières polyvalentes. J'ai eu plus de facilité à faire admettre mon côté comédien quand je suis revenu à la télévision avec "Paparelle". Ce rôle de Paparelle correspondait aussi plus à mon image que ce qu'on m'avait fait jouer au théâtre. Paparelle était plus humain, plus profond, que mes rôles au théâtre, qui, en revanche étaient très légers. Il n'y a que dans "Napoléon", où toutes mes facettes apparaissent, car Napoléon passe par des étapes extra-ordinaires : la passion et le romantisme exacerbés avec Joséphine, la détresse à Ste-Hélène, l'autorité, la solitude. Le rôle était en or, mais on ne trouve pas tous les jours des personnages comme ça, même si, c'est vrai, que je me suis fabriqué ce rôle de Napoléon.
Vous ne l'avez certainement pas calculé, mais quand vous avez arrêté de chanter vous étiez un des plus gros vendeurs de disques en France, une star. Vous revenez aujourd'hui et vous êtes un mythe vivant ?
Je ne pense pas être un mythe. Ce n'est pas de la fausse modestie, mais des mythes, il n'y en a pas beaucoup : Brel, Brassens, Montand, Piaf, dans les disparus, et Hallyday, Aznavour dans les vivants. En plus, pour avoir beaucoup de chances d'être un mythe, il faut mourir jeune, comme James Dean. Ou alors être Trenet : avoir inventé, avec Mireille et Jean Nohain, la chanson française moderne. Nous sommes tous des enfants de Trenet. Si je suis encore là à soixante-dix ans, et que je fais encore le Palais des Congrès, et que les gens viennent me voir, on pourra peut-être me qualifier de mythe : pour l'heure c'est un peu tôt. Je crois être aujourd'hui un chanteur populaire que les gens aiment bien. Il y a une grande histoire d'amour entre mon public féminin et moi, beaucoup de sympathie de la part de leurs maris. Et puis, il y a un retour aujourd'hui à une certaine chanson française, à de vraies voix, un retour qui coïncide avec mon retour.
Vous êtes un auteur-interprète, que pensez- vous du fait que la qualité d'interprète ne soit pas considérée en france ? Qu'il faille écrire ses chansons pour être reconnu ?
Je n'ai que rarement écrit mes musiques, peut-être 5% de mon répertoire, uniquement quand une musique venait dans ma tête accompagner des mots. En revanche j'ai quasiment signé tous mes textes. Nous sommes parvenus dans une ère de créateurs purs. Il n'y a que dans l'Opéra, où la notion d'interprète est respectée, regardez Pavarotti ou Domingo. Le public a besoin, même dans la variété, de sentir que les interprètes chantent leur vie, leur âme. Ils ont besoin de sentir que l'artiste est entier. Jusque dans les années 50, la notion d'interprète pur était importante, les exceptions étaient alors les Tranchant et les Trenet. Depuis les années 60, elle ne fait que diminuer au profit des auteurs et/ou compositeurs-interprètes. Montand fut un des derniers grands interprètes, mais le public pensait qu'il écrivait son répertoire. Pour beaucoup, "Les feuilles mortes" est une chanson de Montand. Mais, d'une certaine façon, Montand qui était si dur, si exigeant, si dirigiste avec ses auteurs et compositeurs, n'écrivait-il pas ses chansons lui-même ? Tellement il les bonifiait, celles-ci n'étaient plus les mêmes au final et Montand aurait pu les co-signer. C'est aussi le cas de Dassin qui apportait tellement de modifications aux textes et musiques originales et qui obligeait les auteurs et compositeurs, Lemesie, Thomas, Rivât, à écrire des choses qui lui correspondaient.
Thomas et Rivât ont écrit pour Dassin, que l'on qualifie de belle variété, et pour Stone et Charden dont on se moque en disant que c'est de la "variétoche". Ce n'est pas logique ?
Prenons mon exemple, qui semble être un monolithe. En y regardant de plus près j'ai écrit "Les petites femmes de Pigalle", "Femmes, femmes, femmes", mais aussi "Je suis malade", "Les glycines", "L'enfant d'un autre" et "Les ballons rouges", des chansons de styles différents. Car en moi, il y a des choses différentes, ma nature n'est pas d'un bloc. J'ai subi, comme tout le monde, des influences diverses : mon père était un chanteur d'opérette, j'ai été élevé dans un monde de revues, où on chantait des chansons "rigolotes" et j'ai reçu des paillettes de tout ça. Ce côté paillettes qu'on me reproche, il est en moi, je ne pourrais pas me l'enlever. D'autre part, je lisais beaucoup quand j'étais jeune, la littérature me passionnait. J'ai lu Baudelaire à dix ans, alors que ça n'était pas permis. Ça m'a nourrit de rêves étranges. Ces deux influences ont été majeures.
Oui, mais en aucun cas, on a dit : Lama fait de la « variétoche » ?
Quand Rivât et Thomas écrivent pour Stone et Charden, c'est qu'ils prennent autre chose dans leur vécu que lorsqu'ils écrivent pour Dassin. Si ça marche des deux côtés, c'est que tout ce qu'ils écrivent est en eux, autrement ça ne marcherait pas.
On raconte que votre père était un chanteur d'opérette raté. Ça vous a donné la peur de l'échec, la peur de ne pas réussir, de ne plus avoir un jour de quoi vivre ?
L'argent n'est pas et n'a jamais été ma quête. Mon but a toujours été de me réaliser. J'aimais écrire, j'aimais chanter, m'exhiber. Dès la cour de l'école, il fallait que je sois sur scène. L'échec de mon père m'a motivé deux fois plus parce qu'il fallait que je réussisse et en plus, il fallait venger papa, venger l'honneur de la famille : j'ai voulu être Zorro. Aujourd'hui, ça y est, tout ça est sorti de moi. D'abord parce que je n'ai jamais guéri mon père de son échec, même s'il était heureux de me voir réussir. On est toujours seul et personne ne peut offrir une deuxième vie à personne. Pour lui, ma réussite c'était mieux que rien, mais ça ne rattrape pas tout.
Quand on parle avec vous, on sent une flamme intérieure, une passion. N'y a-t-il pas de lassitude de ce métier ?
Non, c'est mon métier. Ma vie c'est chanter et aimer et les deux se rejoignent. Je suis fidèle à toutes les femmes que j'ai aimées, comme je suis fidèle à mes chansons.
Vous ne donnez jamais l'impression d'avoir de doutes ? A la fin des années 80, vous auriez pu douter de vous ?
Ne croyez-vous pas que j'ai des doutes aujourd'hui ? Vous pensez que début janvier, je serai parfaitement à l'aise ? Je lutte contre mes doutes, car si je pense trop, je ne suis pas bon en scène. Je me fais violence.
Y a-t-il quelque chose que vous voudriez rajouter ?
Non, je vous ai dit l'essentiel de ce que je pouvais répondre à vos questions. Le rapport interviewé-interviewer est toujours étonnant. La personnalité de l'interviewer guide et influence toujours l'interviewé. Je vais recevoir d'autres journalistes et je ne leur raconterai pas la même chose, car ils n'auront pas vos caractéristiques. Et moi, je ne serai pas dans le même état. Une interview, c'est une psychanalyse et les deux parties y apprennent toujours beaucoup.
06:45 Publié dans 1995, La presse des années 1990 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : serge lama
09.03.2009
9 mars 2007 : Serge Lama à Lyon
Serge Lama était en concert à Lyon le 9 mars 2007 salle 3000.
06:55 Publié dans 2007, La presse des années 2000, Serge Lama en concert | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : serge lama
9 mars 1979 : Paris Match
Article de Jean Cau paru dans PARIS MATCH le 9 mars 1979
Visage taillé à coups de serpe d'un Bonaparte paysan. Ressemblance entretenue? Oui ou non.
Aucune importance. Mèches raides. (oeil noir. Nez busqué et pointu. Voix macho aux reflets métalliques, comme dorée parfois et moirée d'une douceur à poigne. Traîne la patte et boitille à la suite d'un accident. D'où mélange Bonaparte + grognard + pirate arpentant le pont de son rafiot. D'où impression aigle blessé mais qui s'arrache et vole et plane. D'où séduction accrue.
Trente-six ans. Origine périgourdine, né à Bordeaux, élevé à Paris. Chanteur populaire. Rien que chanteur. Fou de chansons. Volonté de fer. Confiance - en soi - de bronze. Aucune vanité. Orgueil du travailleur, Bête rugueuse de music-hall. Chante au Palais des Congrès, chaque soir. Et, chaque soir, 3 700 spectateurs. Marches louées. Et chaque soir, public vaincu, terrassé, emballé (comme un mec « emballe » une gonzesse), caressé, soulevé, maté, secoué, aimé, gagné. Et chaque soir, pendant trois mois qui verront défiler plus de 300 000 personnes de tous âges. sexe, poil, plume et condition. Et chaque soir, mon pote, plus de 200 000 F de recette. Et huit millions et demi de location dans les caisses avant la première. Et sept millions de disques vendus. Et plus de deux cents galas par an.
Célibataire. Vit à l'hôtel. Fait quoi de son pognon ? Moitié au fisc ; l'autre se dévalue. Pas ses oignons. Imprésario éberlué par cet animal. Me dit, dans la loge bourrée de peuple où l'animal dédicace à tour de patte : «Vous étiez dans la salle ? Vous avez vu ? Chaque jour c'est comme ça. C'est magnétique. Ça passe. C'est comme Hitler, Castro, Nasser ou Khomeiny. » Khomeiny? Pourquoi pas? L'imprésario: « Il fait plus à Paris que les Beatles à la grande époque, à Londres ». Il répète les chiffres. Incantation. En pleine forme, la bête dédicace.
Nom d'état civil, Serge Chauvier.
On va souper? D'accord. On franchit un barrage de fans. Une mémée, alerte comme tout : « Oh ! mon petit Serge ! Bravo, mon petit Serge ! J'ai quatre-vingt quatre ans. » Elle est soulevée, la mémée minuscule, et embrassée.
Dédicaces. On plonge dans la bagnole. Quelle soirée ! Oh ! c'est chaque soir comme ça. Il a l'habitude. « Je vis pour ça... ».
Nom de guerre : Serge
Serge prend son petit déjeuner au lit : jus de pamplemousse et café crème. Pour les trois mois de son tour de chant au Palais des Congrès il a loué une chambre au 7e étage de l'hôtel voisin, le Méridien. Il aime discuter avec le patron dans les petits bistrots du quartier. Lama. Quelle santé ! Une santé non pas « paysanne », citadine. Il adore la ville, le béton, les autos, le néon. Il me dira que là est la foule et qu'il adore la dévorer et être mangé par elle. Il a toujours vécu dans la ville, à Paris, dans des arènes de ciment et de lumières.
Et ça lui est venu comment cette envie, ce besoin de chanter, de crier? Il raconte, en mangeant du sanglier aux pâtes fraîches, et en sifflant du rouge, que ça lui est venu, voyons voir ça, au berceau. « A dix ans, ensuite, je chantais devant mon armoire à glace des chansons que je composais. Tout un récital. Je faisais mes comptes de chansons. J'avais mes 45 et 33 tours imaginaires. Je saluais, je chantais, je m'applaudissais et même je me sifflais. Je me bruitais mon spectacle.» Hérédité ? Ça se peut. Le père, Georges Chauvier, poussait ça et là la chanson d'opérette. C'était pas la .gloire, la gloire. On vivait dans une chambre d'hôtel minable et la mère lavait chaussettes et chemises dans le lavabo. Un jour, elle en a eu sa claque et a dit au père que l'opérette c'était très bien à condition de ne pas en abuser. Et papa, désolé, a cessé de roucouler, sur les planches, et a choisi un vrai turbin. Représentant. Quelque chose dans ce genre. Serge avait douze ans. Sûr, sûr de l'orteil au cheveu en passant par la tête et le cœur qu'il réussirait là où le paternel n'avait que modérément réussi. « J'allais à l'Olympia voir Bécaud, Brassens, Aznavour. Un jour, je serais à leur place. Aucun doute. Aucun. C'est pas le talent, même s'il vaut mieux en avoir qui est premier, c'est la volonté. J'en avais à revendre. Je ne supporte pas l'adversité. Elle m'excite.»
II me dit que lorsqu'il a eu son terrible accident d'auto, en 65, dans un virage près d'Aix-en-Provence... A ses côtés, morts sa fiancée et le frère d'Enrico Macias. Et lui, mort-vivant, cassé en cent morceaux. « Je n'ai jamais douté. Je remontais le moral des toubibs. » Est-ce qu'il a gardé des séquelles et souffre encore ? « Je n'en sais rien. Je ne m'occupe pas. Les gens ont peur de la maladie, de la souffrance, de la vieillesse. Moi non. J'ai été vieux à vingt ans, pendant des mois et des mois, à causé de cet accident. Alors, j'ai ma vieillesse derrière moi. »
II dit qu'un tour de chant, pour lui, « c'est un combat », qu'il faut être toujours «derrière une chanson ». « Le public ne se trompe jamais. S'il sent que tu n'es pas derrière ta chanson, il décroche. En revanche, si tu y vas comme Piaf, s'il sent qu'un bout de femme pas belle y croit, à.ses bateaux, à ses légionnaires et à ses filles de joie, alors il part à fond. » Et lui, est-ce qu'il y croit à la vie, à la mort, à l'amour, à la solitude, à l'amitié, à tout ce bazar qu'il chante ? « Absolument. Dur comme fer. J'écris mes textes, je les chante. J'y crois. » Et la chanson, c'est quoi, pour lui ? « Des émotions simples. Des mots que tout le monde comprend. La technique change mais pour un chanteur populaire, tout est pareil. Les grandes émotions, vous savez, sont éternelles. Les hommes, les femmes, l'amour, la mort, le plaisir, etc. Ça se phrase, du côté des intellectuels mais, en réalité, ça ne bouge pas. L'âme humaine, c'est du costaud. Sinon, vous chantez une saison. Pour durer, dans le cœur populaire, faut pas bouger. Piaf, Chevalier, Brassens, les plus grands, pendant des dizaines d'années, c'est toujours la même chose.Ils ne bougent pas d'un pouce.
Je lui dis que son imprésario l'a comparé à Khomeiny et il rit : « Vous voyez, hein ? A force de chanter pendant 78 ans la même chose, il a foutu un empire en l'air, le barbu. Sauf que ses chansons nous mettent dans la merde, non ? » Oui. Et sauf que celles que l’ayatollah Lama, chaque soir, versent à ras bord l'amour, la vie, la mort, l'amour de la vie, la mort des amours et des « trucs qui ne bougent pas » au cœur du brave peuple. Vive Lama ! Lama au pouvoir ! Qu'est-ce que je dis ? Je suis fou ou quoi ? Pardon. Ma soirée Lama a dû me déranger. Excusez-moi.
06:50 Publié dans 1979, La presse des années 1970 | Lien permanent | Commentaires (7) | Tags : serge lama
9 mars 1974 : Article sur le concert de Lyon
Article publié après le concert du 8 Mars 1974 à Lyon.
06:40 Publié dans 1974, La presse des années 1970 | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : serge lama
08.03.2009
8 mars 1986 : Champs Elysées
Le 8 mars 1986, Serge Lama est l'invité de Michel Drucker dans son émission "Champs Elysées", sur Antenne 2 à 20h35.
06:45 Publié dans 1986, Serge Lama à la télévision | Lien permanent | Commentaires (1) | Tags : serge lama
07.03.2009
7 mars 1987 : Billet du spectacle Napoléon à Grenoble
Billet du spectacle Napoléon à Grenoble le 7 mars 1987
06:55 Publié dans 1987, Serge Lama en concert | Lien permanent | Commentaires (8) | Tags : serge lama
06.03.2009
6 mars 2007 : Nous deux
06:55 Publié dans 2007, La presse des années 2000 | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : serge lama
6 Mars 69 : Grand prix de l'Académie Charles Cros
06:50 Publié dans 1969, Prix- Récompenses- Honneurs, Un jour dans la vie de Serge Lama | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : serge lama
05.03.2009
1965 : Serge Lama auteur pour Téreza
Née a Dubrovnik Térésa Kesovija arrive en France le 18 Janvier 1965, accueillie par Serge Lama, elle commence tout de suite à chanter dans des cabarets. Renée Lebas, alors productrice lui permet de conclure un contrat avec Pathé Marconi (EMI) Elle sort un premier disque dont 3 titres sont signés serge Lama
Quelques année plus tard en 1998, Serge et Téresa se retrouveront à Zagreb pour chanter ensemble
06:45 Publié dans 1965, Serge Lama auteur | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : serge lama
04.03.2009
4 mars 1989 : Aujourd'hui Madame
06:55 Publié dans 1989, La presse des années 1980 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : serge lama